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Ligue 1+ : La révolution silencieuse du football français


Il y a quelques années à peine, le football français rêvait tout haut d’un milliard d’euros. L’époque Mediapro avait laissé croire à une prospérité sans limite. Aujourd’hui, changement radical : Nicolas de Tavernost, patron de LFP Media, a tranché dans l’After Foot sur RMC « On ne fera pas le milliard. » Cette phrase, loin d’un aveu d’échec, marque le début d’une révolution stratégique. Le football français n’est plus dans l’ivresse des promesses, mais dans le pragmatisme.

L’épisode Mediapro reste une cicatrice profonde. Portée par des chiffres vertigineux, la Ligue 1 avait cru rivaliser avec la Premier League ou la Liga. Mais la promesse s’est effondrée en quelques mois, laissant derrière elle des clubs étranglés et une confiance brisée. Plus qu’un naufrage financier, c’était l’échec d’une vision, celle d’un football français vivant au-dessus de ses moyens.

L’Architecte du Réalisme : Nicolas de Tavernost 

À 74 ans, Nicolas de Tavernost n’endosse pas le costume du sauveur. Il se présente comme un gestionnaire lucide, héritier de décennies passées dans les médias. Son discours est clair, presque sec. Il parle de « matelas d’argent » pour désigner les 85 millions versés par DAZN et les 78,5 millions de beIN, de « coûts de production » pour rappeler la réalité des charges, et de « deux années compliquées » pour préparer les clubs à serrer les dents. Transparence et prudence remplacent les slogans tapageurs du passé.

Le vrai pari est ailleurs. La Ligue 1 a choisi de devenir propriétaire de son avenir avec la chaîne Ligue 1+. Avant, elle dépendait des diffuseurs, comme un locataire qui paie un loyer sans jamais rien posséder. Aujourd’hui, elle achète sa maison. Les revenus immédiats sont plus faibles, environ 120 millions d’euros redistribués cette saison, mais l’investissement construit un actif durable.

Comme l’a résumé Nicolas de Tavernost : « On constitue un actif pour les clubs dans lequel ils seront mieux valorisés. » Cet actif, c’est la maîtrise de la diffusion, des données, de la relation directe avec les fans. C’est la possibilité d’innover, de créer de nouveaux formats et, à terme, de capter 100 % de la valeur. Avec déjà plus de 600 000 abonnés dès la première journée, le chemin est tracé. Le risque, bien sûr, est que cette maison coûte plus cher à entretenir qu’elle ne prend de valeur. Si la croissance des abonnés ralentit ou si la concurrence des plateformes s’intensifie, l’équation économique pourrait devenir fragile.

Une tendance mondiale

La Ligue 1 ne fait pas figure d’exception. La Premier League s’appuie depuis 2004 sur Premier League Productions pour piloter sa diffusion et vendre son produit à l’international. La Bundesliga a créé DFL Media avec la même logique, tandis que la NBA tire près de 50 % de ses revenus totaux des droits TV (soit environ 5 milliards de dollars par an). Pour le football français, la dépendance reste plus forte, en Ligue 1, les droits TV représentent souvent 50 à 75 % des revenus hors transferts de la majorité des clubs, contre seulement 24 % au PSG ou 40 % à l’OL. Mais surtout, l’écart avec les voisins est vertigineux, là où la Serie A italienne engrange près de 900 M€ par an, la Ligue 1 doit se contenter d’environ 500 M€ sur la période 2024-2029. Une différence qui illustre la fragilité de son modèle et l’urgence de bâtir une alternative durable.

La vraie victoire ne sera donc pas de signer un contrat record, mais de construire un outil qui, demain, vaudra peut-être un milliard. Comme l’a résumé Nicolas de Tavernost sur RMC : « Le projet fait qu’il y a deux années de montée en charge qui seront compliquées sur cette partie-là (le financier). Plus on ira vite et mieux on se portera. C’est l’objectif qu’on a, aller vite. » La Ligue 1 a tiré la leçon de l’ivresse Mediapro, mieux vaut bâtir lentement un actif solide que courir après des promesses intenables. La sobriété d’aujourd’hui est peut-être le prix de la souveraineté de demain.

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