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Tour de France 2025 : Idole en Europe, ignoré en Amérique, le cyclisme face à une popularité à deux vitesses


Le décor est planté dès la première étape, plus d’un million de spectateurs massés sur les routes du Nord pour accueillir les coureurs, selon les chiffres de la préfecture. « On est sur des chiffres très importants et évidemment on s’en félicite », a déclaré Pierre-Yves Thouault, directeur adjoint du cyclisme chez ASO, au départ de la deuxième étape à Lauwin-Planque. Il ajoute : « On est quasiment au niveau du Yorkshire », en référence au Grand Départ 2014 dans le nord de l’Angleterre, encore aujourd’hui considéré comme un sommet en termes de ferveur populaire.

Des audiences télévisées record

Sur France 2, la première étape a réuni en moyenne 3,31 millions de téléspectateurs, avec un pic à 50,6 % de part d’audience. « Ce sont les meilleures audiences depuis 2000 », s’est réjoui directeur adjoint. Une performance qui confirme que le Tour n’est pas une simple tradition, c’est un rendez-vous national, un repère dans l’été français. Et l’engouement se poursuit. L’étape entre Saint-Malo et Mûr-de-Bretagne, attendue comme « mythique », promet une ambiance tout aussi électrique. Enzo, jeune licencié du club de Plancoët, disait attendre avec impatience le passage des coureurs et espérer apercevoir son favori, Wout van Aert.

Mais la passion du Tour dépasse les frontières hexagonales. En 2024, environ 150 millions de téléspectateurs ont suivi la course sur le continent. L’Espagne (27 %), les Pays-Bas (26 %) et la France (25 %) figurent parmi les pays où le cyclisme suscite le plus d’intérêt, selon Statista. Trois bastions qui forment le cœur battant du cyclisme mondial, où l’attachement à la petite reine est aussi culturel que sportif.

La Conquête Fragile : Le Mur de l’Indifférence Américaine

Face à cette ferveur européenne, les chiffres américains font l’effet d’une douche froide : seulement 8 % des fans de sport aux États-Unis déclarent s’intéresser au cyclisme. Un contraste saisissant, quand on le compare aux millions de téléspectateurs et aux 50 % de parts d’audience enregistrés dès la première étape en France. Pour de nombreux Américains, le cyclisme reste associé à un nom : Lance Armstrong. Incarnation d’un âge d’or éphémère, sa chute brutale, sur fond de dopage systémique, a terni l’image du sport tout entier. À cela s’ajoutent d’autres scandales qui, au fil des années, ont conforté une perception négative et durable, celle d’un sport entaché de tricherie.


Contrairement à l’Europe, où chaque pays peut compter sur des figures inspirantes comme Pogacar, van Aert, Evenepoel ou Vingegaard, les États-Unis peinent à trouver un successeur crédible. Depuis, le cyclisme américain semble en difficulté pour se doter d’un nouveau porte-étendard capable de faire oublier l’ombre laissée par Armstrong. Bien qu’aucun champion n’ait encore émergé avec une telle stature, certaines disciplines comme le gravel ou les courses féminines suscitent un intérêt croissant et attirent une nouvelle génération de pratiquants. Cela pourrait marquer le début d’une reconstruction, en dehors des projecteurs traditionnels. Faute de champion rassembleur ou de récit porteur d’espoir, la discipline s’enlise dans l’indifférence. Pendant qu’en Bretagne, de jeunes passionnés comme Enzo rêvent de grimper un jour le Mûr-de-Bretagne, le cyclisme professionnel américain reste, lui, relégué à la marge.

Le Tour de France 2025 confirme une réalité devenue structurelle, il est un géant culturel en Europe, adulé, populaire, fédérateur. Mais à l’international, il peine encore à séduire, notamment sur le marché stratégique des États-Unis, où les souvenirs sombres du passé continuent de freiner la reconquête. La passion débordante et l’authenticité européenne suffiront-elles à relancer l’intérêt mondial ? L’enjeu est de taille. Et les organisateurs en sont conscients. Le feuilleton Netflix « Tour de France : Au cœur du peloton » amorce une ouverture vers un public plus large. Les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 pourraient eux aussi offrir une vitrine inattendue pour tenter un nouveau départ. La course pour le maillot jaune s’achèvera à Paris. Mais la plus longue des étapes, celle pour reconquérir le cœur du monde, ne fait que commencer.

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