Portée par une saison 2024-2025 record en affluence, en audiences et en engagement digital, la Ligue Nationale de Handball aborde un tournant stratégique majeur : montée en gamme de l’expérience fan, accélération sur la data et l’OTT, innovations comme l’arbitrage vidéo, mais aussi recomposition de son pool de partenaires et fortes attentes autour des formats de compétitions et des infrastructures.  Entre maturité sportive, tensions économiques et exigence de gouvernance, le handball professionnel français se retrouve à l’heure des choix pour sécuriser son modèle et franchir un nouveau palier de valorisation à l’horizon 2030.

La Ligue Nationale de Handball (LNH) signe une saison 2024-2025 record sur le plan sportif, de l’audience et de l’engagement, tout en amorçant une nouvelle phase de structuration autour de la data, de la billetterie et de la RSE.  Si la croissance est réelle – affluence, droits audiovisuels, revenus partenariaux, digital – elle s’accompagne déjà de signaux d’alerte : départ de partenaires majeurs, nécessité de faire évoluer les formats de compétitions, enjeux d’infrastructures et de gouvernance.

UNE LIGUE ARRIVEE A MATURITE… MAIS ENCORE EN CONSTRUCTION

En vingt ans, le nombre de clubs professionnels a doublé, le budget moyen d’un club de Liqui Moly StarLigue a été multiplié par quatre pour atteindre 5,83 M d’euros en 2024-2025, tandis que le budget de la LNH est passé d’environ 1,3 M à près de 9 M d’euros.  L’affluence a été multipliée par 3,4 et 100% des matchs sont désormais diffusés en direct, signe d’un produit média arrivé à maturité sur le marché français du sport indoor.

Sportivement, la saison 2024-2025 est l’une des plus disputées : aucun club n’a cumulé plusieurs titres, avec Nantes vainqueur du Trophée des Champions, Montpellier lauréat de la Coupe de France, Paris champion de Liqui Moly StarLigue et Dijon champion de ProLigue.  Sur la scène européenne, le HBC Nantes termine 3e de la Ligue des champions et Montpellier est finaliste de la Ligue Européenne EHF, confirmant le positionnement du handball français parmi les meilleures ligues du continent.

FREQUENTATION ET EXPERIENCE FAN : L’ARME DES SALLES PLEINES

La LNH a organisé 465 matchs sur la saison, pour près d’un million de spectateurs cumulés, avec des records d’affluence comme les 31 000 spectateurs réunis par le HBC Nantes sur trois rencontres de la “saga Neodiff XXL” et les 9 069 spectateurs au CoMet de Saran pour un match de ProLigue à guichets fermés.  Les play-offs d’accession en ProLigue affichent 92% de remplissage contre 77% en saison régulière, 2 046 spectateurs en moyenne par match et près de 270 000 euros TTC de billetterie, soit 11% du chiffre d’affaires de la ProLigue, validant la pertinence d’une formule à enjeu économique renforcé.

La LNH a également mené 22 visites clubs pour auditer l’expérience fan en 10 étapes (avant, pendant, après match) et a renforcé son label club avec des critères davantage orientés vers l’expérience spectateur et la performance business, 24 clubs étant labellisés cette saison.  Trois séminaires présentiels (billetterie à Caen, identité de marque et relations presse à Toulouse, contrôle de gestion à Paris) et de nombreux webinaires complètent ce dispositif d’accompagnement, avec jusqu’à 71% des clubs présents selon les thématiques.

MEDIA, PLATEFORME OTT ET DATA : LA LNH ACCELERE SA TRANSFORMATION

Sur le plan média, 460 des 465 matchs LNH ont été diffusés en direct (soit environ 99% de la programmation), avec des audiences en hausse sur beIN SPORTS et HandballTV.  La plateforme OTT HandballTV franchit la barre des 100 000 inscrits (+27 000 sur la saison, soit +34%) et atteint un record de 15 000 abonnés payants simultanés, malgré une réduction de la gratuité des matchs intervenue à l’intersaison.

Côté digital, la LNH fédère près de 4 millions de fans au cumul de ses communautés et de celles des clubs, et compte 727 000 abonnés sur ses propres réseaux sociaux en 2024-2025.  Avec 7 115 publications (+45% vs 2023-2024), 160 millions de vues vidéo (+22,3%) et 7,5 millions d’interactions (+1,3%), la LNH construit un écosystème éditorial où les contenus clubs publiés sur HandballTV doublent en moyenne leur portée par rapport aux chaînes YouTube des clubs.

PARTENARIATS : DIVERSIFICATION, CONTENUS BRANDES… MAIS DEPARTS MAJEURS

La direction Partenariats et Revenus a généré une progression de 12% de ses revenus par rapport à la saison 2023-2024, notamment grâce à des contenus sponsorisés intégrant Weber, Bosch, Amos ou Asics, soit près de 300 publications cumulant plus de 7 millions d’impressions et un engagement moyen de 7%.  La newsletter BtoB mensuelle touche plus de 1 000 partenaires et prospects avec un taux d’ouverture moyen de 35%, tandis que plus de 5 500 places ont été livrées aux partenaires sur leurs quotas pour environ 450 matchs, soit en moyenne 12 places par rencontre.

Pour autant, la LNH doit absorber la fin de deux partenariats structurants : Weber qui s’arrête après deux saisons et demie, et Lidl France après dix années de collaboration dont un naming de 2016 à 2020, même si l’enseigne reste présente via des initiatives locales dans plusieurs clubs.  À l’inverse, SELECT prolonge de cinq saisons supplémentaires, portant à environ 1 900 le nombre de ballons fournis aux clubs, tandis que la Ligue lance sa première boutique en ligne (ballon officiel, livre des 20 ans, maillots de Paris, Montpellier et Nantes) pour capter de nouveaux revenus BtoC.

INNOVATION, ARBITRAGE VIDEO ET OUTILS DE PERFORMANCE

Sur le terrain de l’innovation, la LNH se positionne en pionnière avec un totem d’arbitrage vidéo mobile développé avec VOGO, utilisé sur 125 rencontres de Liqui Moly StarLigue (52% des matchs) pour 171 interventions.  Cette technologie, complétée par un dispositif de “goal light” testé lors du Trophée des Champions, renforce la lisibilité du jeu et la confiance dans les décisions arbitrales, tout en offrant aux diffuseurs de nouvelles ressources sonores et visuelles.

La Ligue investit également la data avec Business Matchday, une plateforme billetterie développée avec Qlik après six mois de travail sur les KPI, aujourd’hui alimentée manuellement mais appelée à être reliée automatiquement aux prestataires billetterie des clubs – tous sauf un ont accepté le branchement.  Parallèlement, une base de 1 500 heures de matchs est accessible aux clubs, commissions et arbitres, 35% des utilisateurs autorisés ayant déjà activé leur compte, tandis que la plateforme de scouting vidéo monte en puissance avec des clubs comme Montpellier ou Toulouse qui ont souscrit des options élargies incluant des championnats étrangers.

RSE, MOBILITE DURABLE ET ANCRAGE TERRITORIAL

Depuis 2021, le programme RSE Zone structure la politique sociétale et environnementale de la LNH, articulée autour de deux piliers et déclinée dans tous les clubs.  L’opération de plogging organisée pour la troisième année consécutive a mobilisé plus de 1 200 participants et permis de collecter plus de 4 tonnes de déchets, tandis que Montpellier (blouses pédiatriques conçues à partir de maillots) et Angers (Greenathlon de collecte de vêtements) ont été récompensés pour leurs actions.

La LNH a par ailleurs intégré le programme CEE MobSport pour réduire l’empreinte carbone des déplacements spectateurs, avec huit clubs pilotes (Paris, Nantes, Montpellier, Chambéry, Sélestat, Toulouse, Chartres, Besançon) expérimentant covoiturage, transports collectifs et stationnements vélos.  En interne, un Forfait Mobilités Durables a été déployé pour les salariés et la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles a été mise à l’agenda du Trophée des Champions 2024 via messages d’information et annonces sonores.

GOUVERNANCE, DIALOGUE SOCIAL ET ENJEUX POLITIQUES

La saison a été marquée par l’élection de Fabrice Boutet à la présidence de la LNH le 25 mars 2025, succédant à David Tebib, et par la célébration des 20 ans de la ligue, symbolisée notamment par un ouvrage de 132 pages tiré à 2 000 exemplaires.  Le dialogue avec l’écosystème s’intensifie : 16 comités directeurs, 5 assemblées générales, 7 commissions paritaires, 6 réunions avec la Commission Nationale de l’Arbitrage, 15 réunions du CSE et 43 réunions des commissions indépendantes (sportive, médicale, disciplinaire, juridique, aide et contrôle de gestion) ont rythmé la saison.

Sur le plan institutionnel, la LNH travaille avec le ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie Associative pour défendre une gouvernance plus équilibrée et des financements renforcés du sport professionnel, dans un contexte marqué par une proposition de loi susceptible de fragiliser les ligues.  Elle s’implique également au sein de l’Association Nationale des Ligues de Sport Professionnel et de l’Association pour la Protection des Programmes Sportifs (APPS) pour lutter contre le piratage audiovisuel et sécuriser la valeur des droits TV.

VERS 2030 : FORMATS, INFRASTRUCTURES ET NOUVEAU SIEGE

La LNH a lancé un vaste chantier stratégique à horizon 2030, avec un séminaire réunissant l’ensemble des parties prenantes et six groupes de travail pilotés par les directeurs de la Ligue, confrontés à des experts extérieurs pour enrichir la réflexion.  Une première proposition d’évolution du format des compétitions n’a pas été retenue par l’Assemblée générale, mais la volonté de faire évoluer les championnats pour renforcer leur intérêt et leur visibilité sur toute la saison a été réaffirmée.

En parallèle, un nouveau Label Infrastructures sera déployé d’abord en ProLigue en 2025-2026 puis en Liqui Moly StarLigue en 2026-2027, avec à terme une ouverture aux clubs amateurs via la FFHandball et l’intégration d’un volet économique et de préparation au haut niveau.  Enfin, la LNH a rénové et inauguré son siège le 27 février 2025 en présence de la ministre Marie Barsacq, transformant le lieu en hub de rencontres avec studio vidéo, espaces modulables et mise en scène de l’histoire du handball professionnel, au service d’une nouvelle phase de développement.

Alain Jouve