Categories Ideas

Girondins de Bordeaux : la descente aux enfers des employés, entre amertume et sentiment d’abandon


Pour beaucoup, la manière dont la nouvelle a été communiquée reste un choc. Le 22 septembre, un simple courrier électronique a informé 86 salariés de leur licenciement économique. Certains n’avaient croisé les dirigeants qu’une seule fois en plusieurs années. Les rares prises de parole de la direction – comme celle de Thomas Jacquemier, alors directeur général – n’ont pas suffi à apaiser les craintes. D’autres informations, comme l’incitation présumée d’un haut responsable financier à « broyer les salariés », ont achevé de cristalliser le sentiment d’abandon et de déshumanisation.

Ce décalage est d’autant plus criant que, la saison dernière, les joueurs percevaient encore des salaires confortables, en moyenne 19 000 euros par mois, tandis que certains cadres dépassaient les 50 000 euros, sans parler des primes. Un contraste qui nourrit l’incompréhension et la colère, et met en lumière la fracture profonde entre le terrain administratif et celui des étoiles du ballon rond.

Les raisons d’un effondrement et la détérioration des conditions de travail.

La mise en redressement judiciaire trouve son origine dans un endettement colossal et une gestion financière controversée. L’envolée des dépenses, le manque d’investissements rentables et la difficile relégation sportive ont mené le club dans l’impasse. Pour les salariés, ces difficultés se traduisent par une dégradation concrète de leurs conditions de travail. « Sur la fin, on ne pouvait plus rien payer. Ils ne voulaient même pas rembourser l’essence de la tondeuse », se désole Joao Rodrigues, employé depuis 2000 à l’entretien du château du Haillan. Selon le quotidien Sud-Ouest , la saison dernière, le salaire moyen d’un joueur s’élevait à environ 19 000 euros par mois, tandis que trois d’entre eux dépassaient les 50 000 euros mensuels. Certains cadres bénéficiaient par ailleurs de primes pouvant grimper jusqu’à 100 000 euros. Dans le même temps, le directeur sportif Admar Lopes aurait perçu 480 000 euros par an. De telles différences, en pleine crise, renforcent encore le sentiment d’injustice qui pèse sur ceux qui ont vu leur emploi sacrifié.

L’impact émotionnel et social des licenciements

La brutalité des départs a provoqué un véritable traumatisme, prenant à la gorge ceux qui voyaient encore dans les Girondins de Bordeaux un club familial. Les éducateurs, par exemple, ont dû annoncer eux-mêmes aux familles la fermeture du centre de formation, anéantissant les rêves de jeunes promesses du football. Sans indemnités particulières pour les CDD, le choc est financier, mais aussi psychologique : pour beaucoup, il s’agit d’une rupture aux allures de déception amoureuse, comme le décrit François Bommé, co-responsable des gardiens, qui avait autrefois l’impression de travailler « au paradis du foot ».

La recherche de solidarité et les perspectives d’avenir

Dans ce vide laissé par le licenciement, la solidarité entre anciens collègues tente d’endiguer l’amertume. Des retrouvailles régulières dans un café proche du Haillan permettent de partager douleurs, inquiétudes et perspectives professionnelles. Certains, comme Céline Dumas, ancienne cuisinière du centre, gardent un lien indéfectible avec le club, au point d’avoir repris un abonnement. Certains s’interrogent sur leur avenir, craignant les conséquences de cette liquidation symbolique.

D’un point de vue juridique, « ces licenciements massifs sont un rappel brutal de la fragilité du secteur, trop souvent soumis à la loi du marché sportif », note Luc Grégoire, représentant syndical dans le milieu du sport professionnel. Le recours à des experts du droit social ou au soutien de syndicats spécialisés pourrait aider les anciens salariés à faire valoir leurs droits et à se reconstruire.

Entre la dégradation progressive des conditions de travail, le silence de la direction, la brutalité des licenciements et l’incompréhensible écart des rémunérations, les Girondins de Bordeaux laissent derrière eux un paysage désolé, chargé d’amertume. Le cas de ce club, pourtant auréolé d’un palmarès historique, illustre la nécessité d’une meilleure régulation économique dans le sport professionnel, et rappelle que derrière les grandes manœuvres financières se trouvent des femmes et des hommes aux vies bouleversées.

Si certains gardent l’espoir d’un nouveau départ, c’est avant tout grâce à l’entraide et à la force morale qui les unissent. Loin des paillettes des terrains, une autre histoire se joue : celle des salariés qui, après avoir œuvré dans l’ombre, ont vu leurs efforts balayés par une crise financière et managériale aux conséquences profondément humaines.



Sport News

More From Author